Témoignage d'une ancienne éducatrice à l'enfanceJ'ai été adoptée au Québec à l'âge de 5 ans et demi. À cet âge, j’apprenais la langue française, les quatre saisons, les coutumes, le fonctionnement du nouveau système éducatif, la culture et à connaitre ma nouvelle famille. Au Québec, selon le Secrétariat de l'adoption à l'international, en 1990 (année où j'ai été adoptée), il y a eu 550 enfants adoptés. En 1995, 1000 adoptés. ET en 2019, 139 adoptés. Durant la pandémie, le nombre d'adoption à l'international a chuté à un nombre beaucoup moins élevé qu'en 2019. On a tendance à utiliser le mot «adoption» plutôt qu’«abandon». Chaque enfant adopté a été abandonné. L'abandon fait très mal pour un adulte comme pour un enfant. Parfois, pour un enfant, cela peut prendre plusieurs années avant de s'en remettre. Pour ma part, il m'a fallu 30 ans. Oui, oui, 30 ans. Encore aujourd'hui, je conserve des séquelles de l'abandon. Au Québec, les milieux éducatifs accueillent des milliers d’enfants adoptés et abandonnés (si on inclut les enfants placés en famille d'accueil). Ces enfants abandonnés et adoptés ont besoin de soutien de leur famille et de leur milieu éducatif. Ils ont besoin qu'on les entende, qu'on les comprenne et surtout qu'on les voie. Qu'on voit la souffrance de l'abandon pour ensuite les aider à surmonter leurs défis. En tant qu’éducateur et éducatrice à l'enfance, quels soutiens pouvons-nous offrir aux enfants abandonnés et/ou adoptés ainsi qu’à leur famille dans nos milieux éducatifs ? 1. Tout d'abord, saisir le contexte de l'abandon et de l'adoption au Québec et à l'international.Il n'est pas toujours évident pour un enfant abandonné de surmonter ses traumatismes. Certains enfants qui ont été placés en famille d'accueil ont généralement été exposés à des facteurs de stress en début de vie (stress prénatal, négligence, maltraitance, etc.) qui les rend plus vulnérables à développer un attachement insécurisant. (source: Ordre des psychologues du Québec). Pour les enfants abandonnés et adoptés à l’international, certains d’entre eux ont été exposés à ces mêmes facteurs de stress en début de vie. Malheureusement, dans certains pays, les suivis sur les antécédents familiaux ne sont pas aussi rigoureux qu'au Québec, par exemple. Certains de ces enfants ont aussi vécu des turbulences politiques ainsi que la guerre. Sans antécédents familiaux ni connaissances de leurs parcours, peu d'entre eux, une fois adoptés, bénéficient d'un soutien spécialisé et de l'aide dont ils ont besoin. 2. Comprendre leurs besoins et leurs défis particuliersUne fois que l'on a saisi le contexte de l'abandon et de l'adoption des enfants au Québec et ailleurs au Canada, on peut passer à l'étape suivante, soit : comprendre leurs besoins et leurs défis particuliers. Que faire ? Privilégier la sécurité. L’enfant abandonné a tendance à craindre d’être abandonné une nouvelle fois. Cette peur lui cause de la souffrance. Ce dont il a besoin, c’est de la sécurité et de la constance. Il a besoin d’être rassuré que ces nouveaux parents ou les personnes responsables (intervenant ou intervenante, éducateur ou éducatrice, etc.) soient présents chaque jour. Cette constance de la présence a pour effet de l’aider à développer le lien de confiance avec vous. Selon Dr Elodie Martel, de la Maison de Santé magazine: « Les expériences liées à l'abandon précoce peuvent conduire à des difficultés relationnelles de l'enfance à l’âge adulte, se manifestant par des comportements de dépendance ou de détachement. Comprendre ces mécanismes est essentiel pour améliorer le bien-être émotionnel de l'enfant et construire des relations plus saines. […] » Que faire ? Donner lui l’espace sécuritaire dont il a besoin. Évitez de l’étouffer sous vos étreintes affectueuses. Cet enfant a peut-être connu une rupture dans son attachement sécurisant avec ses parents biologiques. En effet, certains enfants abandonnés et /ou adoptés vont éviter tout geste d'affection des parents adoptifs et des personnes responsables. La rupture du lien d'attachement sécurisant a pour effet de l’insécuriser et de perdre la confiance envers les adultes. Plus vous manifestez de gestes d’affection à son égard, plus il se méfie et l'insécurise. Ce qu’il a besoin, c’est de la sécurité, d'être rassuré et de la constance dans les gestes, les consignes et dans votre présence. Selon Dr Elodie Martel, de la Maison de Santé magazine: « Il existe plusieurs styles d’attachement qui se développent durant l’enfance, dont chacun a ses propres conséquences. Par exemple, un enfant ayant un style d’attachement insécure peut se sentir anxieux et enclin à la dépendance affective. D’un autre côté, un enfant qui développe un attachement évitable peut se recroqueviller sur lui-même, évitant l’intimité. Ces styles d’attachement vont façonner la manière dont l'enfant va interagir avec les autres.» Influençant ainsi ses relations avec les autres.
Que faire lorsque cela arrive: Rassurez-le, soyez constant et gardez votre calme. L’enfant adopté ou placé en famille d’accueil a vécu un abandon. Montrez-lui que vous comprenez sa douleur et que ressentir de la peur ou de l’anxiété est tout à fait normal. Assurez-lui que vous êtes là pour lui, prêt à l’aider. Qu’il puisse être lui-même et que vous l’aimiez quand même. Et qu’il puisse compter sur vous pour partager ses expériences et ses émotions. Selon l'Ordre des psychologues du Québec : [...] Il a été observé que les enfants peuvent parvenir à développer une relation d’attachement sécurisante avec leurs nouveaux donneurs de soins (Raby et al., 2017). Un enfant placé en vient à intégrer des parties de son milieu d’accueil (routine et rituels, mode de pensée, langage, etc.) et à développer un sentiment d’appartenance. Il y a cependant un risque à déplacer un enfant qui a su se développer et évoluer de manière positive dans son milieu d'accueil (famille, école, garderie). Le changement pourrait fragiliser l’enfant et compromettre son adaptation ultérieure. Plus un enfant abandonné et/ou adopté reçoit un soutien adapté ou un service spécialisé tôt, plus il pourra développer des relations saines, sécurisantes, un sentiment d'appartenance et un lien de confiance avec les autres. 3. Intégrer des livres d'histoire sur l'abandon et sur l'adoption dans votre milieu éducatif pour mieux inclure les enfants qui l'ont vécuVous accueillez dans votre milieu éducatif des enfants qui ont été placés dans des familles d'accueil, à la DPJ ou qui ont été abandonnés par leurs parents biologiques, puis adoptés par de nouveaux parents ? Intégrer des livres d'histoire sur l'abandon et l'adoption au Québec et à l'international dans vos milieux éducatifs. Grâce à ces livres d'histoire, les enfants du groupe pourront :
Une empathie chez les enfants qui ont vécu l’abandon et l’adoption leur permettra de se sentir moins isolés, plus soutenus et inclus dans leur groupe ainsi que leur milieu éducatif, ce qui renforcera leur sentiment d’appartenance à la société qui les a vu naître et/ou grandir. Les milieux éducatifs sont des microsociétés où les enfants apprennent à vivre ensemble et à respecter les différences. Pour ce faire, cela prend un coup de pouce des adultes qui les entourent. Connaissez-vous des livres sur l'abandon et l'adoption? Si oui, partagez les dans les commentaires ou écrivez-nous à [email protected]
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