Ce témoignage vise à sensibiliser aux difficultés d'adaptation auxquelles les enfants mixtes peuvent être confrontés à la maison ou dans les milieux éducatifs. Il permet aussi d’ouvrir le dialogue sur des sujets sensibles et d’actualité avec les enfants ainsi que de développer des pratiques inclusives favorisant l’inclusion des enfants mixtes à travers leur groupe et dès leur plus jeune âge. Bonjour Valencia
Bonjour! Parle-moi de toi. Qui est Valencia? Je suis une femme de 31 ans qui travaille présentement dans le milieu des arts et plus précisément pour la compagnie Danse sur saut qui a lancé le premier festival contemporain destiné aux jeunes. Ça me fait du bien, car je renoue ainsi avec mes premières passions: la danse et le mouvement. Pourquoi la danse te passionne t-elle autant? La danse et le mouvement m'ont permis de m’exprimer lorsque j’étais enfant. J'ai débuté la danse à l'âge de 4 ans et j'ai poursuivi jusqu'à l'âge de 19 ans en combinant sport, étude et danse au secondaire. Comme j’ai vécu des trucs assez difficiles dans mon enfance, j’ai pu ainsi libérer des tensions dont je n’étais pas consciente à ce moment-là. C'était mon exutoire et un moyen de socialiser. Je ne parlais pas beaucoup et j'étais extrêmement gênée. Je dois te poser cette question lourde de sens et un peu fatigante : D'où viens-tu? C'est nécessaire pour le projet, pour avoir un meilleur aperçu de ton parcours éducatif et pour faire avancer la cause de l'inclusion des enfants issus de l'immigration. (Elle ricane et poursuit). Est-ce que tu parles de mes origines? En fait, si tu posais cette question à ma famille, qui est ''visiblement'' québécoise et non mixte, elle dirait que je suis québécoise. Pourtant, je suis née en Ontario, donc techniquement je suis ontarienne de naissance. Quand j'ai eu 2 mois, ma famille est revenue s'installer au Québec. Toutefois, ma mère vient de Rouyn-Noranda, et elle a grandi à Montréal, ce qui fait de moi une Québécoise. On me demande souvent d’où je viens, et des fois, ça me fâche. Est-ce qu’on poserait cette question à quelqu'un qui a la peau blanche ? L'identité est aussi une question personnelle.. Comment perçois-tu la tienne ? Je me considère comme une Québécoise mixte, comme le sont tous les Québécois, à mon avis.. Je reviens à l’expression «pure laine» que j’entends souvent. Il n’ y a personne qui est ''pure laine''. Le Québécois a des racines européennes et autochtones, et ces cultures se sont mélangées à d’autres au fil du temps. Il y a des gens qui supposent automatiquement que je suis née dans un autre pays. Ça change quoi de toute façon? Ma voix et ma façon de m’exprimer indiquent clairement que je viens d'ici. Donc, pour revenir à ta question, je suis une Québécoise mixte et je suis brune à cause de mes origines canadienne et haïtienne. Est-ce que tu t'identifies plus à une culture qu'à une autre? Oui. Comme j'ai été élevée par ma mère, je m'identifie davantage à la culture québécoise qu’à celle de mon père que je connais peu. Parle-nous de ton enfance. As-tu eu de la difficulté à prendre ta place et à bien vivre ton identité mixte dans ta famille et dans les milieux éducatifs que tu fréquentais? Oui. Dans ma famille, du côté de ma mère, il y avait certaines choses qu'elle ne comprenait pas. Je suis proche de ma famille, mais en écoutant ma mère, j’avais parfois l’impression qu'elle avait du mal à me comprendre et qu’elle le regrettait, car elle aurait voulu m'aider. Par ailleurs, je découvre qu’il y a parfois du racisme dans les propos de certaines personnes de mon entourage.. Par rapport aux enfants, à l'école primaire que je fréquentais, dans l'île de Montréal, j’ai vécu de l'exclusion dès les premiers jours. Je m'en souviendrai toujours. Certains des enfants me disaient «Non toi, tu ne peux pas jouer avec nous parce que tu es noire». Heureusement, quand j’en ai parlé aux intervenants, ils ont rapidement réagi. En outre, cette période a été difficile pour moi parce que je ne voyais plus mon père et que j’avais bien du mal à m’aimer moi-même. J'arrachais la peau de mes lèvres. Je ne voulais plus être noire, car cette partie de moi, je l’associais à une expérience négative; celle de mon père. En plus, on me rejetait à l'école parce que j’étais noire. Les enfants me disaient «Ah, t'es sale! Tu t'es pas lavé!», même si j'étais propre. Par contre, les intervenants du centre de la petite enfance (CPE) que je fréquentais à l'époque étaient toujours ouverts et gentils. Ils prenaient bien soin de moi. J'en garde de très beaux souvenirs. Tandis qu'à l'école primaire, c'était différent. Quelles répercussions ces expériences ont eu dans tes relations et dans ton éducation? Mon cercle d'amis est plutôt composé de Québécois dits ''de souche''. Quand je rencontre des personnes qui me ressemblent physiquement, ma première réaction est de demander «C'est quoi tes origines?». Même si je trouve la question fatigante puisque j'ai vécu de l'exclusion une bonne partie de ma vie, j’essaie quand même de m’entourer de gens qui me ressemblent physiquement. Malheureusement, c’est difficile et ça me manque. Avec le recul, je me dis que cette question fatigante «Tu viens d'où?», c'est tout simplement de la curiosité. Face à une personne différente de soi, c'est comme un automatisme. La question est naturelle et tout à fait innocente, surtout chez les tout petits qui sont tellement curieux et veulent juste savoir. Que conseillerais-tu aux intervenants de la petite enfance et dans les écoles pour faciliter l’intégration des enfants mixtes? J'ai été éducatrice à l'enfance pendant quelque temps et j'ai adoré mon expérience qui m’a permis d’être un modèle mixte pour les enfants. Paradoxalement, c'est ce qui m’a manqué le plus dans mon enfance. Il n’y avait pas de modèle mixte ou issu de la diversité dans les milieux que je fréquentais. Enfin, durant toute l'entrevue, tu t’es décrite comme une Québécoise mixte ou brune. Pourquoi ne pas plutôt te définir en tant que «mulâtre» ou «métisse»? Historiquement, au début de la colonisation, l'étiquette «métisse» était associée à un enfant né d'une personne européenne et d'une personne autochtone. Par ailleurs, l'étiquette «mulâtre», selon le dictionnaire Robert, désigne un enfant né d'une personne blanche et d'une personne noire. À priori, ça n’a rien de négatif, mais lorsqu'on creuse un peu plus, on découvre que le terme provient de l'espagnol “mulatto” et qu’il signifie “mulet”, soit le résultat de l'accouplement d'un âne et d’une jument. Dans mon cas, lorsque j’étais plus jeune, les adultes me qualifiaient de «mulâtre». Comme je ne savais pas alors que le terme était péjoratif, ça ne me dérangeait pas . Aujourd'hui, j'essaie de me détacher de toutes ces étiquettes qui ne me correspondent pas et qui ne m'appartiennent pas. Je me définis plutôt en fonction de mon histoire et de mon vécu. C'est pour ces raisons que j'ai choisi de me décrire comme Québécoise mixte ou brune. Tout ça pour dire qu’il faut se définir soi-même quand l'environnement n'a pas un vocabulaire adéquat pour le faire. Et qu'il est important d'avoir recours à un encadrement diversifié et positif pour les enfants. Quand on y pense, l'identité est un concept à la fois embêtant et lourd de sens pour un adulte comme pour un enfant. Afin d’exprimer mon identité plus simplement, j’ai choisi la danse et les arts visuels, deux modes d’expression que j'aime partager avec le public. Pour découvrir les œuvres d'art de Valencia, riches en mouvement et en identité mixte, visitez sa page Facebook à https://www.facebook.com/search/top?q=valencia%20art%20design ................................................................................................................................................................................................ Vous avez aimez le témoignage de Valencia? Et vous désirez témoigner à votre tour? 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